Les opérations 2015 et 2016 sur le logis primitif (ESA) ont permis d’apporter des éclairages sur sa construction et ces remaniements successifs. Mais également, il a été possible d’établir une chronologie relative et absolue quant aux périodes de leur réalisation.
Au terme de cette étude et grâce aux vestiges encore en place, le XIIIe siècle peut être retenu pour la période de construction du logis primitif. Certains outils de datation relative, permettant d’ordonner chronologiquement des événements (architecture des ouvertures, étude des mortiers, techniques de construction) et de datation absolue aboutissant à des résultats chiffrés (dendrochronologie), ont permis d’établir une chronologie de construction pour l’habitat primitif. Ces séquences ont pu être raccrochées à celles déjà bien documentées de l’ensemble du château du Rousset (XIVe/XVe siècles, XVIe siècle et XVIIe/XVIIIe siècle). La maison noble va progressivement se transformer en résidence de plaisance en passant par une période de fortification conséquente, durant les Guerres de Religion :
XIIIe siècle
Le logis primitif n’est encore qu’une domus (1260 : première mention du Rousset) qui s’élève sur cinq niveaux (domestique, public, privé, galetas, grenier-stockage). Elle est ornée de beaux éléments architecturaux : fenêtres trilobées à coussiège, cheminées moulurées à tablettes et ses abords sont protégés par deux archères ; aucun décor mural n’a été mis au jour ;
fin XIVe/début XVe siècles
A la fin du XIVe siècle (1381 : dendrochronologie 2014), une clôture englobant la totalité de l’extrémité du promontoire est édifiée. Elle vient se poser sur le logis primitif, au sud et au nord, enserrant la tour maîtresse. Des salles basses sont aménagées, sur le même plan que le niveau A d’ESA, créant ainsi une cour sur laquelle s’ouvrent trois espaces, probablement domestiques ; de nouveaux appartements sont installés ; une porte cavalière permet l’accès à ces espaces. Le creusement d’un fouloir cuve vinaire rupestre s’inscrit dans ce programme. Le logis primitif bénéficie d’aménagements de confort : nouvelles fenêtres, latrines… ;
XVe/XVIe siècles
Pour des raisons inconnues aujourd’hui, les salles basses et la cour vont être transformées en caves et chemisées, créant une haute cour. Ces travaux bouchant les anciens accès, perturbant les niveaux de sols, une nouvelle partition est installée (réfection plafonds/planchers : 1542/1562 – dendrochronologie 2016 -) et de nouvelles portes sont aménagées. Les anciens espaces domestiques n’existant plus, des dépendances sont édifiées en avant du château. Elles sont équipées d’éléments de défense (tours, archères canonnières simples) et, reliées à une modeste clôture, forment une protection avancée. La porte cavalière est bouchée (1562/1584 : datation dendrochronologie 2014) et remplacée par une porte ogivale. En accès direct sur la haute-cour, elle est défendue par une bretèche ;
fin XVIe siècle
L’implication politique du seigneur du Rousset durant les Guerres de Religion (Ligue) le conduit à édifier un réseau de clôture surdimensionné de 960 m ; trois bastions et trois boulevards, équipés d’une canonnière, d’une meurtrière à double orifices et d’une canonnière à ébrasement extérieur, qui protègent le nord et l’est ; deux tours, avec canonnières à ébrasement extérieur qui défendent le sud ; une canonnière et 13 meurtrières à double orifices protègent les accès au château, le pont et ses abords ; équipement de la tour maîtresse avec trois archères canonnières induisant un abaissement du niveau sommital du logis primitif ; le passage entre les deux bâtiments est muré.
XVIIe/début XVIIIe siècles
Durant cette période sont initialisés de grands travaux qui vont profondément changer l’aspect de la maison forte du Rousset. De grandes baies sont percées, les anciennes ouvertures sont bouchées ainsi que tous les éléments liés à la défense ; dix nouvelles cheminées sont installées dans les appartements (trois ont disparu). Les planchers des niveaux supérieurs (1 et 2) sont partiellement refaits (1692/1697 : dendrochronologie 2016). Le niveau 2 du logis primitif est partitionné par des galandages à pan de bois (1692/1697 : dendrochronologie 2016) ; il est relié à l’ensemble du château par une porte accédant à une galerie de pierre et distribuant les salles du même niveau. Les planchers/plafonds sont partiellement refaits pour soutenir le poids supplémentaire des galandages et des sols en tomettes. La grande salle médiévale est partagée (1629/1635 : dendrochronologie 2016) en deux espaces domestiques (fournil). Les deux cheminées à tores et tablettes sont partiellement détruites (1641 : dendrochronologie 2016). La tour maîtresse est équipée de planchers légers (1683 : dendrochronologie 2014).
Deux dates gravées ont été mises au jour : 1671 et 1763. La première s’inscrit parfaitement dans ce programme de restauration, la deuxième semble un peu tardive. Associée à un symbole de protection, elle doit correspondre à un épisode important qui, à ce jour, n’a pu être identifié.
XIXe/XXe siècles
Une série de petits travaux de restauration, pas précisément datés, sont réalisés : charpente, percement d’une porte, remplacement d’une solive… Les graffitis repérés sur les fenêtres des niveaux 1 et 2 peuvent signifier un abandon de ces espaces dès le début du XIXe siècle. En effet, les premières inscriptions sont de 1807 au deuxième étage, et de 1811, au premier.
L’étude du château se terminant, il a été également possible d’établir une chrono typologie des éléments architecturaux :
Ouvertures : 83 portes et fenêtres, toutes périodes confondues, éclairaient les différents espaces du château. Elles ont été regroupées en sept types ;
Cheminées : au total 19 cheminées ont été repérées au château mais elles ne sont pas toutes conservées en intégralité, certaines ont disparu (5) et une a été démontée et remontée dans une demeure voisine. Les onze, encore identifiables, ont permis d’établir cinq types différents ;
Ouvertures de défense : 3 archères, 2 archères canonnières, 14 meurtrières à double orifice et 5 canonnières ont pu mettre en évidence six types différents.
La clôture du Rousset
Un réseau de clôture, d’un kilomètre environ, entoure le château du Rousset. Du sud à l’ouest, la clôture enserre le promontoire rocheux sur une longueur de 56,34 m. Actuellement, cette clôture s’élève, à peu près régulièrement, sur une hauteur de 2m. Des aménagements laissent supposer une hauteur d’origine de 3m, environ. L’originalité de cette portion de clôture est de posséder 1 canonnière et 15 meurtrières à double orifice.
La particularité des éléments de défense du mur sud extérieur : ils sont orientés afin de protéger le portail et la remontée du chemin après le passage sur le pont. Une grande partie du mur ouest est aveugle. Seule son extrémité est équipée de 9 meurtrières qui défendent le passage sur le pont et le chemin
Ces meurtrières peuvent être datées de la fin du XVIe siècle, puisque ce type d’élement de défense se retrouvent principalement sur des monuments des guerres de la Ligue. Leur nombre important au château du Rousset en fait une exception régionale.
La section de clôture étudiée en 2014, ainsi que l’ensemble des fortifications du château du Rousset, évoquent une période sombre de notre histoire : les Guerres de Religion, de 1562 à 1598, notamment, la Sainte Ligue.
Dès 1576, noblesse, clergé et bourgeoisie s’unissent, sous le commandement de François de Mandelot, gouverneur de Lyon-Forez, et créent la Ligue forézienne. Ils renouvellent leur serment en 1585.
François de Mandelot est capitaine de 50 hommes d’armes parmi lesquels se trouve le seigneur du Rousset, François de Damas. Ce dernier, fervent ligueur est impliqué dès les premières heures dans ce conflit. L’aménagement exceptionnel de cette section de clôture semble lié au choix religieux et politique du seigneur du Rousset, mais également de son père, Georges.
Les commodités
Au cours de la campagne de travaux 2010, des latrines ont été découvertes. Située au premier étage, elles sont partiellement incluses dans le mur (évacuation). Une feuillure dans les pieds-droits suppose une porte.
Il semblerait que le siège et le bâti, disparus, étaient en bois et en encorbellement sur la rivière. Le tuyau en terre cuite, formant un coude, est calé par deux poutres en bois et descend dans l’épaisseur du mur. Malgré les difficultés d’accès, il a été possible d’identifier des latrines à conduit biais dont le conduit biais débouche sur le parement extérieur avec un dispositif d’évacuation gravitaire.
L’aménagement, même partiel de ces latrines dans la maçonnerie, permet de le situer fin XVIIème/ début XVIIIème siècle, au moment des modifications de ce secteur.Si l’on se réfère à la vente du château, à l’étage de cet espace, trois chambres prenaient « leur jour sur la rivière » et quatre sur la cour. Ces latrines étaient liées soit à une chambre particulière soit à cet étage.
Culture de la vigne
Le nettoyage d’une des caves a permis de mettre en évidence des structures énigmatiques taillées dans le rocher. Un travail considérable de taille a été nécessaire pour les réaliser. Elles présentent une finition soignée. Cet investissement conséquent de temps et de moyens ne pouvait être mis en œuvre que pour une utilisation essentielle.
Cet aménagement présente des similitudes avec des installations de foulage et pressage du raisin en plein champ creusées dans la roche, mises en évidence par Michel Bouvier dans le Lubéron et le Ventoux. Ce système, difficilement datable est également présent dans la vallée du Rhône, en Ardèche et en Haute-Loire1.
Creusées dans la roche affleurante, ces installations consistent généralement en une vasque de foulage communiquant avec un petit bassin servant à recueillir le moût. Un petit canal taillé dans la roche, séparant les deux cuves, dérive les eaux de ruissellement.
La présence d’un fouloir relié par un petit conduit à la cuve principale permettait de séparer immédiatement le jus de la peau et des rafles. Seul le jus se retrouvait dans la cuve et permettait de produire du vin blanc.
Michel Bouvier a été consulté sur la découverte. Après examen des clichés, relevés et visite sur le site, il a bien confirmé la mise au jour d’un fouloir et d’une cuve vinaire rupestre.
Pour l’instant, la datation reste vague : antérieur au XIVème siècle puisque le bâti de cette période est venu s’appuyer sur la cuve.
La plus ancienne mention de vigne dans le département de la Loire concerne les Monts d’Uzore en 9152.
Elle s’est étendue sur l’ensemble du territoire en plaine mais également à mi-coteau3 jusqu’à 600 m d’altitude4. En 18235, des parcelles aux toponymes liés à la viticulture (Les Vignes, De la Vigne…) et situées entre 700 m et 750 m d’altitude sont à moins de 700 m de distance du château du Rousset.
Le XIXème siècle a été la grande époque de la vigne en Forez. Tout le territoire se couvre de vignoble. Elle se cultive jusqu’à 800m d’altitude6. Mais, en moyenne et haute montagne, l’usage local était de posséder une, ou plusieurs, parcelles de vigne en plaine ou à mi-coteau, et de ramener la vendange dans une charge7. Au XVIème siècle, le prieur de Gumières (paroisse voisine) possédait deux vignobles à Saint-Romain-le-Puy (Terland et à Goutholin) 8.
En ce qui concerne le château du Rousset, la seule mention de la possession de vignes est relativement tardive. Lors de la vente des biens en 1793, plusieurs parcelles de vignes sont signalées dont une vigne dans laquelle il y a une loge, un cuvage, un pressoir, une cave au lieu-dit du Pont, commune de Soleymieux9.
Dendrochronologie
De nombreux éléments bois sont présents dans les murs du château. Les plus intêressants et susceptibles d’apporter un complément de datation ont été prélevés : la goulotte de coulissage du système de fermeture d’une porte, la porte fermant l’accès extérieur de la tour, des bois inclus dans la maçonnerie du donjon et ceux présents dans le murage d’une ouverture. Les périodes envisagées pour ces secteurs de bâti étaient XIVe siècle, pour le premier, XVIIIe siècle pour le 2° et 3° et XVIe siècle pour le dernier.
Malheureusement les 2 derniers sont issus de pins et n’ont pas pu être datés mais ils sont contemporains (même période).
Par contre, les 2 autres ont livré des datations :
– 1381 pour la goulotte en chêne ; cette date confirme l’hypothèse émise pour la construction du logis 1
– 1789 pour la porte en sapin ; après la Révolution, les nouvaux propriétaires ont probablement effectué des restaurations suite aux déprédations de la Révolution.
Ces éléments associés à la découverte, cette année, de 2 dates, permettent de conforter les hypothèses émises, lors des premières études
État 3 : XIVe siècle (1381), aménagement du logis I
État 6 : XVIIe siècle (1671), transformation du ravelin en terrasse et aménagement de la cave Ca D1
Etat 7 : XVIIIe siècle (1763) : transformation du château en résidence de plaisance