Le Château et son histoire

D’après les travaux de Mireille Busseuil et du GRAL

En 1318, le domaine du Rousset se composait d’une maison, d’un domaine, d’une pêcherie et d’un moulin. La première mention écrite de « maison forte » du Rousset apparaît en 1260 (acte de propriété de la Famille de la Bastie); cette appellation est utilisée jusqu’en 1474, date à laquelle la désignation de château apparaît et remplace les autres.

Si l’emplacement de la maison forte du Rousset semble aujourd’hui incongru, il s’intègre parfaitement dans le schéma d’aménagement territorial initié par le Comte de Forez aux XIIe et XIIIe siècles, dans un contexte de guerres d’influence entre le Comte et ses voisins.  Les aménagements civils et militaires du château du Rousset paraissent disproportionnés pour un bâtiment qui semble, aujourd’hui, enclavé au fond d’une vallée isolée. Malgré leur rôle symbolique, les éléments de fortifications présentent une efficacité défensive non négligeable du fait de l’emplacement du Rousset et des choix politiques de ses seigneurs. Son installation sur un promontoire rocheux, à la croisée de voies de communications principales et secondaires, en zone frontière avec le Velay et l’Auvergne, permet de dominer et surveiller le territoire ainsi que les grands itinéraires médiévaux. Enfin, les différents propriétaires, notamment la famille Damas, ont ouvert le château du Rousset sur le monde et ses agitations (Guerres de Religion et la Ligue).

A ce jour, il est possible de suivre sans interruption les possesseurs du domaine du Rousset depuis 1260 jusqu’à nos jours. Au cours de son histoire, le Rousset a subi 12 mutations de propriété.

La famille de la Bastie
Le lignage paraît vers le milieu du XIIIe siècle déjà divisé en deux branches.
La branche ainée possédait la seigneurie du Rousset. Leur blason est : d’or à la croix ancrée de sable. Eudin de la Bastie est le premier possesseur connu de la maison‐forte du Rousset en 1260. Son fils, Audinet, décède sans enfant. Sa sœur, Sibille, hérite des biens familiaux et les apporte par mariage à la famille Lothons.

 

La famille Lothons
Les Lothons (ou Letous) sont d’anciens vassaux des comtes de Mâcon. Cette famille porte arbore un blason : De gueule au lion d’or surmonté de trois aiglettes au vol abaissé du même. Ce blason est sculpté sur le portail de l’église de Saint‐Jean‐Soleymieux et sur la clef de voûte du chœur de l’église de Soleymieux. La seigneurie du Rousset reste dans la famille Lothons jusqu’en 1512, lorsque la fille de Louis Lothons épouse Antoine d’Albon de Sugny et lui apporte la seigneurie du Rousset.

 

La famille de Sugny
Sugny sur Nervieu est le berceau de cette famille de petite noblesse. Débutant au XIIIe siècle par un chevalier d’origine modeste et récente, les de Sugny sont alliés à de riches paysans. Ils ne s’élevèrent que progressivement. Leur blason est : d’azur à la croix engrélée d’or.  En 1528, Antoine de Sugny, seigneur du Rousset, est capitaine châtelain de Lavieu. Il décède en 1535 et laisse le Rousset à son fils Antoine II. La famille de Sugny ne garde pas longtemps le domaine. La petite‐fille d’Antoine, Madeleine épouse Georges de Damas, seigneur de la Bâtie en 1546.

 

La famille Damas
La maison de Damas est considérée comme l’une des plus anciennes et des plus nobles du royaume. Elle est issue des comtes du Forez de la première race. Les Damas du Rousset sont issus d’une branche cadette. Leur blason est : d’or à la croix ancrée de gueules. Les Damas du Rousset possèdent une immense fortune et de nombreuses propriétés. Ils s’impliquent dans la vie politique et militaire du royaume de France. Le fils de Georges et de Madeleine, François de Damas de Sugny prend activement part aux Guerres de Religion. La famille Damas paraît modérée face aux évènements de la Révolution Française. Claude Marie Damas, 7e génération de seigneur du Rousset, est néanmoins fusillé à Feurs et Joseph Antoine Auguste Damas, son neveu, guillotiné sous la Terreur.

1793, le château vendu en bien national
La vente « des biens du citoyen Damas » du 5 mars au 4 avril 1793, dont le registre est conservé aux Archives Départementales de la Loire (série Q 493e) est un document précieux qui permet de connaitre avec précision la distribution des pièces et l’équipement du château.

Extrait : « De là nous sommes entré dans une chambre a cotet de ladite cuisine ou il sy estre trouvé un moulin à poivre, un chauffelit, un prie dieu, deux tables, une panniere dans laquelle s’est trouvé sept draps de lit, six nappes de cuisine et huit torchons de cuisine. (…) Par un autre escalier qui monte de la cuisine ouvre cidevant  chapelle puis sommes monté escalier dans touttes les autres chambres de ladite maison sans trouver aucune porte n’y pallier et après les avoir parcourue nous y avons trouver six lits qui en sont point garnis. »

Extraits de la vente de 1793, Château du Rousset Margerie-Chantagret Archives de la Loire, Série Q 493

Dépouillement d’archives inédites
De la Révolution à 1873, une grande période de flou entourait les mutations de la propriété. De plus, la perte de l’acte d’achat du domaine du Rousset par Pierre Midroit, suite au cambriolage de la maison familiale, rendait impossible la recherche des différents actes notariés. En effet, la retranscription des mutations antérieures dans le document aurait permis la recherche des précédents actes et ainsi remonter dans le temps.

Fin 2013, les archives des notaires locaux, confiées aux soins des Archives Départementales, furent enfin consultables. Un travail d’enquête débuta à partir du seul acte facilement découvrable : l’achat du domaine du Rousset en 1873 puisque les descendants connaissaient la date exacte et le notaire. Une fois le document retrouvé, il fut relativement facile de suivre, d’acte en acte, les changements de propriétaires de la fin du XVIIIe siècle et tout au long du XIXe siècle.

En 1799, la comtesse Marie Joséphine Charlotte Damas, épouse d’Antoine de Richepanse, donne à son beau‐père procuration pour finaliser la succession de son oncle, Claude Marie Damas, seigneur du Rousset. Dès 1797, la noblesse émigrée modérée, a pu revenir en France et commencer les démarches pour récupérer leurs biens non vendus à des particuliers, lors de leur réquisition en tant que bien national. Pour une officialisation de cette situation, il faudra attendre 1802, un décret du premier consul qui amnistia une grande partie des émigrés. Il leur rendit leurs biens qui n’avaient pas été vendus. Il semblerait donc, que les héritiers du dernier seigneur du Rousset, fusillé à Feurs, aient pu récupérer ses biens confisqués en tant que biens nationaux, avant l’instauration du Consulat. La carrière militaire du général de Richepanse, époux de la comtesse Marie Joséphine Charlotte Damas, et de Claude Charles Damas, gouverneur des Iles du Vent d’Amérique, de 1783 à 1790, a probablement facilité la récupération des biens familiaux.

En 1803, suite au décès du général de Richepanse, le Rousset est vendu à Jean‐Baptiste Morel de Chazelle‐sur‐Lavieu. Le château du Rousset est vendu avec tous les meubles qu’il contient, les portraits des ancêtres Damas, leurs archives qui sont dans une pièce au sommet de la tour. Madame de Richepanse n’en retient que son piano, 72 cartes géographiques, 5 atlas, 51 serviettes, 5 nappes damassées, une pièce de toile damassée de 19 aulnes, 7 chemises, 100 volumes in octavo dont 20 brochés, parmi lesquels le dictionnaire d’histoire naturelle par Valmont de Bomare, tous les fusils et pistolets portés sur l’inventaire. Le prix est fixé à 100.0000 francs dont 4000 pour les objets mobiliers, 25 000 francs comptant et le reste en trois paiements égaux.  La famille Morel (de la Bruyère) est issue de la noblesse de robe. Avant la Révolution, Jean‐Baptiste Morel est avocat au parlement. Au moment d’acquérir le Rousset, il est maire de Chazelles‐sur‐Lavieu.

Le Château change à nouveau de mains en 1818, puis en 1838, date à laquelle Marguerite Emilienne Damas, comtesse de Sobiratz, épouse de François de Paul de Sobiratz acquiert le domaine. Le prix de vente s’élevait à dix-huit mille francs payable en cinq versements. La comtesse de Sobiratz était la fille de Casimir Abraham, auteur de la seconde branche du Rousset, héritier de son oncle, Claude Marie, comte de Damas, fusillé à Feurs en 1793. La vente comprenait : le domaine, remise, basse‐cour, grange, écurie, fruitier, hangar, corps d’habitation, pigeonnier (au‐dessus du portail d’entrée) et enfin tous les bâtiments de maitre et ceux du fermier, l’enclos du château consistant en jardin, terre, pâture, pièce d’eau, rochers avec ses murs et barrières, pour une contenance superficielle d’environ un hectare soixante-dix ares trente-huit centiares, le moulin à seigle et dépendances ainsi que les prises d’eau et diverses terres et prés.

En 1851, François de Paul de Sobiratz, veuf, vendit la propriété du Rousset à Paul Fontvieille, propriétaire rentier, demeurant à Saint‐Etienne, qui le cède en 1864 à Jean Baptiste Nicolas, banquier à Saint‐Etienne. Le prix de vente était de trente mille francs payable en trois versements sur trois ans.

Enfin, en 1873, Pierre Midroit, marchand de bois demeurant à Andrézieux acquiert la propriété, d’une surface de dix-huit hectares environ. Le prix de la vente s’élevait à trente-deux mille francs payable en deux fois à six mois d’intervalle.

Inoccupé depuis 1860, le château du Rousset a suscité, depuis lors, l’intérêt des passionnés du patrimoine local qui ont laissé des témoignages écrits et photographiques. Au début du XXème siècle, G. Compagnon rassembla des archives, collecta des renseignements sur les découvertes. Ce fut le premier à dresser un plan des vestiges. Démantelé, puis laissé à l’abandon, le château bénéficia d’une série de dégagements entre 1972 et 1975, sous la dynamique de M. le comte d’Assier qui avait créé la Société Historique du Rousset.